3 novembre 2020
Comment le réviseur d’entreprises doit-il réagir si le client met fin à son mandat de commissaire et si le confrère qui lui succède ne prend pas contact selon les règles déontologiques?
« Bonjour,
- Nous avons été nommés par l'AGE du 29/12/2014 comme commissaire au sein d'une SA pour les exercices 2014, 2015 et 2016.
- En 2017, le client a tardé pour renouveler le mandat car il pensait ne plus remplir les critères au 31/12/2017. Mais les critères étaient bien remplis au 31/12/2017.
- Nous avons été nommés par l'AGE du 23/02/2018 comme commissaire pour les exercices 2017 (car non audité), 2018 (exercice en cours), 2019 et 2020. Cependant, la publication au Moniteur belge n'a pas été effectuée. Nous avons néanmoins une lettre de mission signée qui reprend ces périodes.
- La société a été cédée en mars 2019. Le nouvel actionnaire souhaitait que l'on démissionne afin de mettre à notre place le commissaire de leur groupe. Ça n'a pas été fait. Nous avons accompli nos diligences dans le cadre de notre mandat de commissaire pour les comptes au 31/12/2019 et délivrer un rapport de commissaire.
- Nous avons reçu un courriel ce jeudi 1er octobre qui nous annonçait que l'AG tenue en 09/2020 avait nommé un autre commissaire et que dès lors notre mandat prenait fin. Le BNB contrôlé reprend bien un mandat du 23/02/2018 au 30/06/2021. Le rapport de gestion contrôlé et signé en date du 17/08/2020 ne comprend pas de proposition de nomination d'un commissaire. A ce jour, le BNB n'est pas encore déposé et le PV d'AG ne nous a pas été transmis.
- Nous n'avons reçu aucun courrier de notre Confrère.
- Que pensez-vous de cette situation ? Comment devons-nous réagir d'une part, par rapport à la fin de notre mandat et d'autre part, par rapport, à l'absence de prise de contact de notre Confrère conformément aux règles déontologiques ?
Merci pour votre suivi et votre réponse. ».
« Si la nomination du commissaire n’est pas publiée, elle n’est pas opposable aux tiers. La société peut néanmoins prouver qu’un tiers en avait connaissance (art. 76, al. 1er C. Soc./ article 2:18 du Code des sociétés et des associations). Malgré tout, sans publication, la nomination reste valable entre les parties contractantes : la société et le réviseur d’entreprises. Le commissaire peut exercer son mandat envers son mandant. ».
Par conséquent, l’ICCI est d’avis que la nomination comme commissaire pour les exercices 2017 (nomination rétroactive), 2018, 2019 et 2020 est valable entre le réviseur et la société contrôlée en question, même si sa nomination n’a pas été publiée au Moniteur belge. La non-publication de son mandat de commissaire constitue une violation d’une disposition du CSA (notamment l’art. 2:9, § 1er, 4°, c) CSA) et doit donc être mentionnée dans la partie II de son rapport de commissaire selon l’article 3:75, § 1er, 9° du CSA.
Selon l’article 3:66, § 1er CSA, si le commissaire a été irrégulièrement révoqué par l’assemblée générale, ce qui semble être le cas, il est en droit d’exiger des dommages-intérêts mais pas la réintégration dans ses fonctions ( [3] ).
Toutefois, l’AG en question peut toujours nommer, en cours de mandat, des commissaires supplémentaires, constituant alors un collège (cf. art. 3:68, § 2, al. 2 CSA) ( [4] ). Dans ce cas, il n’est pas question de révocation d’un commissaire.
« Tout réviseur d'entreprises appelé à succéder à un confrère a le devoir de se mettre préalablement en rapport avec lui par écrit. Le réviseur d'entreprises qui exerçait la même mission doit permettre l'accès, par son confrère, à ses documents de travail et à toutes les informations pertinentes. ».
L’interprétation de cette obligation de contacter un confrère-prédécesseur est résumée dans le Vademecum 2009, Tome I, Doctrine, p. 490.
Toutefois, s’il y a un commissaire supplémentaire, l’ICCI est d’avis que, a contrario, le non-contact conforte l’interprétation qu'il ne s’agit pas d'une succession, mais d’un collège des commissaires. De toute manière, il est préférable d’abord prendre contact avec son confrère pour éclaircir la situation.
Enfin, il y a lieu de signaler que, conformément à l’article 3:66, § 2, alinéa 1er du Code des sociétés et des associations, l’entité contrôlée et le commissaire doivent informer le Collège de supervision des réviseurs d’entreprises, visé à l’article 38 de la loi du 7 décembre 2016 portant organisation de la profession et de la supervision publique des réviseurs d’entreprises, de la révocation ou de la démission du commissaire. Cette notification doit toujours être accompagnée de la raison de la démission/révocation, qu’elle ait ou non été décidée par un accord mutuel.
( [1] ) Cf. IRE, Vademecum Tome I: Doctrine, Bruxelles, Editions Standaard, 2009, p. 540-541; IRE, Rapp. annuel, 1988, p. 52-53.
( [3] ) On doit en outre renvoyer à l’article 3.91 alinéa 1er CSA selon lequel “Le commissaire ne peut, en cours de mandat, être révoqué que sur proposition ou avis conforme du conseil d’entreprise statuant à la majorité des voix émises par ses membres et à la majorité des voix émises par les membres nommés par les travailleurs”. Si l’obligation de consultation du conseil d’entreprise n’a pas été respectée, la révocation est irrégulière comme dans l’hypothèse d’une infraction aux règles de révocation par l’assemblée générale. Toutefois, outre la question des dommages-intérêts du commissaire évincé, il appartiendrait au tribunal de l'entreprise de statuer sur la nomination du commissaire en cas de désaccord du conseil d'entreprise sur la proposition qui doit lui être faite. Le tribunal pourrait le cas échéant opter pour la réintégration temporaire de ce commissaire.
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