4 avril 2024

La situation suivante est décrite :

« Un client décide de séparer l’activité immobilière de l’activité opérationnelle de sa société. Sur base des deux derniers comptes publiés, la société dépasse les critères et doit normalement nommer un commissaire et publier des comptes annuels en utilisant le schéma complet avec un rapport de gestion. Elle est toutefois en défaut de toutes ces obligations. L’opération consiste en une scission partielle par constitution d’une nouvelle société. La nouvelle société recevra les biens immobiliers et ne dépassera pas les critères. Tous les actionnaires de la société amenée à scinder ont marqué leur accord sur le rapport portant sur la scission. Dans ce cas, la société qui doit normalement procéder à la nomination d’un réviseur d’entreprises pour faire rapport sur l’apport en nature est la société à constituer qui n’est pas en défaut. Une vérification de la valeur nette comptable des biens immobiliers et une prise de connaissance du contrôle interne de la société amenée à scinder sont nécessaires. L’acceptation de la mission de rapport sur l’apport en nature entre-t-elle en conflit avec 3 :97, §2 du CSA ? S’il s’agit d’un simple apport en nature à la valeur économique, il n’est pas nécessaire d’obtenir d’information comptable de la société apporteuse. Dans ce cas, nous n’aurions pas été informés de l’infraction et nous aurions donc pu accepter la mission de rapport sur l’apport en nature. L’ICCI est-il d’accord avec ce qui précède ? »

1. Afin de répondre à la question, l’ICCI souhaite faire référence à l’article 3:97, § 1 et §2 du Code des sociétés et des associations (ci-après « CSA ») qui dispose ce qui suit : 
« § 1er. Les membres de l’organe d’administration, directeurs ou mandataires de sociétés qui sciemment contreviennent aux dispositions du chapitre 2 du présent titre relatif au contrôle légal des comptes annuels ou du chapitre 3 du présent titre relatif au contrôle légal des comptes consolidés sont punis d’une amende de cinquante à dix mille euros.
 Ils seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cinquante à dix mille euros ou d’une de ces peines seulement, s’ils ont agi avec une intention frauduleuse.
§ 2. Ceux qui, en qualité de commissaire, de réviseur d'entreprises, de cabinet d'audit enregistré ou d'expert indépendant, attestent ou approuvent des comptes, des comptes annuels, des bilans et des comptes de résultats de sociétés, lorsque les dispositions visées au paragraphe 1er ne sont pas respectées, soit en sachant qu'elles ne l'avaient pas été, soit en n'ayant pas accompli les diligences normales pour s'assurer qu'elles avaient été respectées, seront punis d'une amende de cinquante à dix mille euros.
Ils seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante à dix mille euros ou d'une de ces peines seulement, s'ils ont agi avec une intention frauduleuse. »


La partie soulignée de l’article ci-dessus mérite une grande attention. Dans une étude préalable à l’entrée en vigueur du CSA, le professeur TILLEMAN écrivait : « Les tâches de vérification ou de correction des comptes annuels visées respectivement par les lettres C. et D. de la page 1bis du schéma des comptes annuels n’aboutissent normalement pas à une attestation ou à une approbation. On pourrait donc soutenir que ce n’est que dans le cas où la lettre de mission prévoit explicitement une attestation ou une approbation que le réviseur peut encourir une responsabilité sur la base de l’article 172, § 2 du Code des sociétés.

Toutefois, la jurisprudence démontre qu’un professionnel de la comptabilité (p. ex. un réviseur d’entreprises) pourrait, en l’absence même de faute sur pied de l’article 171, § 2 C. Soc., être tenu en tant que co-auteur ou complice de l’infraction visée à l’article 171, § 1 du Code des sociétés ». 
« Le statut du commissaire »(1)

2. Pour clarifier le texte,  l’ICCI souhaite faire référence à une communication commune de l'ITAA et de l'IRE sur l'interprétation des principes applicables en cas d’acceptation, de prolongation et/ou de renouvellement d’une mission par l’expert-comptable (certifié) et/ou par le réviseur d’entreprises. Le 1er principe de cette communication prévoit en effet ce qui suit :

« (…)Compte tenu du risque de complicité en droit pénal au délit mentionné à l'article 3:97, §1er CSA, l'expert-comptable certifié ou le réviseur d'entreprises s'abstient d'accepter ou de poursuivre une mission légale pour une entité s'il apparaît que cette entité ne souhaite pas se mettre en règle en désignant un commissaire. Par « mission légale », on entend la mission réservée par le CSA ou par toute autre disposition légale à un expert-comptable certifié ou à un réviseur d’entreprises (autre que le contrôle légal des comptes (consolidés)), telle que l'apport en nature ou le quasi-apport, les conflits d'intérêts, la dissolution et la liquidation, la transformation de la forme juridique, la fusion et la scission, etc. » (2)


3. La question posée se situe néanmoins dans un contexte sensiblement différent puisque la société à laquelle le réviseur d’entreprises devrait faire rapport est une société nouvellement créée dans le cadre d’une scission. Elle n’excède pas et n’a jamais excédé les critères qui l’auraient obligée à désigner un commissaire. 
De plus, le réviseur n’est pas impliqué dans la procédure de scission puisque par hypothèse, « tous les actionnaires de la société amenée à scinder ont marqué leur accord sur le rapport portant sur la scission partielle. » Dès lors, l’exception prévue par l’article 12:65 CSA peut s’appliquer.

4. On peut donc légitimement conclure qu’un rapport sur l’apport en nature doit être établi dans une société qui n’est pas en défaut de nommer un commissaire. Le réviseur qui effectue le contrôle des apports en nature ne réalise aucun contrôle contractuel des comptes annuels d’une société qui serait en défaut de nommer un commissaire. Les conditions de l’infraction prévue à l’article 3:97 §1er CSA ne paraissent pas réunies. De la même manière, la rédaction d’un rapport d’apport en nature dans la nouvelle société ne devrait pas rendre le réviseur complice des membres de l’organe d’administration, directeurs ou mandataires de la société scindée qui sciemment auraient contrevenu aux dispositions légales relatives au contrôle légal des comptes annuels. 
L’ICCI préconise toutefois que le réviseur adresse une lettre de recommandation à ses mandants afin qu'ils régularisent la situation dans la société qui se scinde.



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Mots-clés : apport en nature, scission, responsabilité (pénale) du réviseur d’entreprises
Sleutelwoorden: inbreng in natura, splitsing, (strafrechtelijke) aansprakelijkheid van de bedrijfsrevisor

 


([1]) B. Tilleman, « Le statut du commissaire », Bruxelles, La Charte, p. 26 et suiv..