19 décembre 2024

Résumé

Une ASBL comptabilise une provision portant sur le pécule de vacances de ses employés et en parallèle elle comptabilise un subside versé par la COCOF pour le même montant, ce qui a pour effet de neutraliser la charge que représente la provision pour pécule de vacances pour l’exercice en question. Le commissaire de l’ASBL en question s’interroge sur la légalité de cette pratique.

Samenvatting

Een VZW boekt een voorziening voor het vakantiegeld van haar werknemers en boekt tegelijkertijd een subsidie van de COCOF voor hetzelfde bedrag, wat als gevolg heeft dat de kost van de voorziening voor vakantiegeld voor het betreffende boekjaar wordt geneutraliseerd. De commissaris van de betreffende VZW vraagt zich af of deze praktijk wettelijk is.

 

Texte

  1. La question suivante est posée :

    « Il a été constaté dans certaines ASBL que la dotation à la provision pour pécule de vacances est couplée automatiquement par l'enregistrement d'un produit à recevoir du même montant, ce qui revient à neutraliser la charge de l'exercice. Les charges du personnel étant entièrement subsidiées (en l'espèce par la COCOF), ce point de vue pourrait se défendre. »

    1. La question porte donc sur la relation entre la provision pour pécule de vacances et les subsides versés par un pouvoir public, ainsi que la comptabilisation de ces deux éléments qui sont intimement liés : le versement des subsides neutralise-t-il la charge que représente la provision pour pécule de vacances ?

       

      L’ICCI estime que la comptabilisation de ces subsides censés compenser une charge telle que le pécule de vacances doit se faire moyennant le respect de deux principes généraux et indissociables([1]) du droit comptable :  le « matching principle » et le principe de prudence([2]).

       

    2. Selon la doctrine, il est admis qu’en vertu du « matching principle » ou « principe de réalisation des produits et de correspondance des charges aux produits », toutes les charges et tous les produits d’une période déterminée soient enregistrés dans la comptabilité et les comptes annuels.

      En d’autres termes, ce principe impose aux sociétés et associations de rapprocher les produits aux charges auxquelles ces produits sont afférents en vue de refléter son résultat. Ce principe est cependant subordonné au principe de prudence([3]).

       

    3. Le principe de prudence doit en effet également être appliqué de manière stricte pour éviter toute faute lors de la comptabilisation d’un produit tel qu’un subside, qui peut être acquis sur un plan juridique mais non versé dans les faits, ou pas encore acquis du tout. En somme, l’enregistrement d’un produit devra toujours s’inscrire dans une logique de prudence.

       

      Ce principe est repris par l’article 3:11 AR CSA qui précise qu’il faut tenir compte des produits « sauf si l’encaissement effectif de ces produits est incertain ». Autrement dit, les charges sont comptabilisées immédiatement, au contraire des produits s’il existe une incertitude concernant leur encaissement. Puisque ce principe de prudence prime sur le « matching principle », un produit – quel qu’il soit – ne peut être enregistré que s’il est prudent de le faire, et en aucun cas il ne peut être anticipé pour le rapprocher de charges correspondantes.

       

    4. En ce qui concerne le moment de comptabilisation des subsides, la Commission des normes comptables estime qu’ils ne doivent pas être comptabilisés « au moment de son paiement effectif mais au moment où le droit de l'entreprise à l'obtenir est certain et qu’il peut raisonnablement être évalué » ([4]).

       

      La question de savoir à quel moment le droit à l’obtention d’un subside acquiert un caractère certain est une question de fait qui doit être examinée au cas par cas et tranchée par l’organe d’administration de l’entité subsidiée([5]).

      Il est admis par la doctrine que : « C’est l’examen de la nature de l’engagement qui doit permettre à l’organe d’administration d’apprécier le caractère certain ou non du droit à l’obtention du subside. La naissance du droit à l’obtention du subside peut en effet faire l’objet de modalités qui affectent son degré de réalisation. » ([6])

      La Commission des normes comptables appelle également à une analyse au cas par cas au sein de l’organe d’administration qui devra apprécier le caractère certain ou non du droit à l’obtention du subside([7]).

      Il n’y a donc en principe aucune compensation automatique de la comptabilisation d’une dette par la comptabilisation d’un subside.

       

    5. En pratique, il faut aller vérifier les conditions du subventionnement dans la convention de subvention conclue entre l’ASBL et la COCOF afin de déterminer si le subside en question couvre les dettes à un an au plus. En d’autres termes, est-ce que la convention prévoit que le subside puisse couvrir le pécule de vacances ?

      La plupart du temps, les pouvoirs subsidiants ne couvrent que des dépenses effectives.

      Il faut donc vérifier si la convention de subvention prévoit que le subside d’une année comprend bien le pécule de vacances, en tout ou en partie – étant entendu que si le subside ne couvre qu’en partie le pécule de vacances, le subside ne sera accordé qu’à concurrence de la partie couverte selon la convention. Par ailleurs, il faut également vérifier si le subside est bien définitivement acquis. 

      Dans le cas contraire, l’ASBL ne peut acter de subside à recevoir.  

      Notons qu’en pratique, il sera très exceptionnel que l’objet du subside soit, exclusivement, de couvrir le pécule de vacances. Dans la plupart des cas, l’objet du subside sera de couvrir les frais de fonctionnement. Dans ce cas, il faudra donc examiner si le subside a bien vocation à couvrir la totalité de ces frais de fonctionnement (dont le pécule de vacances fait partie). À défaut, il ne pourra être question qu’un d’un « matching » partiel.

       

    6. L’ICCI recommande d’expliquer les principes comptables fondamentaux précités dans les règles d’évaluation des comptes annuels.

       

    7. En résumé, pour la comptabilisation des subsides ayant pour objectif de neutraliser la charge que représente le pécule de vacances, l’ICCI vous invite à vérifier la convention de subvention afin de vérifier si ces subsides peuvent couvrir le pécule de vacances. La comptabilisation d’un subside compensatoire n’est pas automatique et il est nécessaire de prendre en compte le principe de prudence.

       

      Afin d’être complet, l’ICCI précise encore que la comptabilisation de la « provision » pour pécule de vacances doit intervenir sous le compte 456 et doit plutôt être qualifiée de dette à un an au plus([8]).

       

       

       Mots clés

      ASBL – comptes consolidés – provision – subsides

      Sleutelwoorden

      VZW –geconsolideerde jaarrekening –provisie – subsidie


      ([1]) Commission des normes comptables, « Avis 2012/17 – Reconnaissance des produits et des charges» du 7 novembre 2012, cf. Reconnaissance des produits et des charges | CNC CBN (cnc-cbn.be)

      ([2]) A cet égard, voyez : R. Ghysels, Fiscalité et comptabilité comparées des comptes annuels, 1ère éd., Bruxelles, Larcier, 2020, p. 420 à 480.

      ([3]) Commission des normes comptables, « Avis 2010/12 – Principes comptables généraux applicables aux instruments financiers dérivés » du 8 septembre 2010, cf. Principes comptables généraux applicables aux instruments financiers dérivés | CNC CBN (cnc-cbn.be)

      ([4]) Commission des normes comptables, « Avis 2011/13 –Subsides des pouvoirs publics  » du 4 mai 2011, cf. Subsides des pouvoirs publics | CNC CBN (cnc-cbn.be).

      ([5]) J.-P., Vincke, ibid., p. 389.

      ([6]) J.-P., Vincke, ibid., p. 389.

      ([7]) Commission des normes comptables, « Avis 2014/7 – Le traitement des subsides dont l’octroi n’est pas garanti (droits éventuels) » du 14 mai 2014, cf. Le traitement comptable de subsides dont l’octroi n’est pas garanti (droits éventuels) | CNC CBN (cnc-cbn.be)

      ([8]) Il ressort de la doctrine et de plusieurs avis rendus par la CNC que la « provision pour pécule de vacances », ne constitue pas une véritable « provision » au sens du droit comptable et de l’article 3:11 AR CSA, mais doit plutôt être considérée comme étant une « dette à un an au plus ».