6 août 2020

Une lettre de soutien (lettre de confort/lettre de patronage) signée avant l’arrêt des comptes, doit-elle être reprise dans les droits et engagements hors bilan ?

 

  1. On décrit la situation suivante : Le client est une société qui possède une filiale pour laquelle il existe une incertitude significative liée à sa continuité d’exploitation. On est également commissaire de cette filiale. Une décision prise par la société mère pour réduire cette incertitude est la signature d’une lettre de soutien avant la date du conseil d’administration arrêtant les comptes au 31 décembre 2019. Cette lettre de soutien couvre la période jusqu’à l’assemblée générale ordinaire approuvant les comptes au 31 décembre 2020.

     

    Dans ce contexte on pose les questions suivantes portant sur  la préparation des comptes annuels au 31 décembre 2019 (de la société mère et de la filiale) et de leurs annexes : Vu que cette lettre de soutien a été signée courant 2020 et avant l’arrêt des comptes, doit-elle être reprise dans les droits et engagements hors bilan ? On met cette situation en parallèle avec l’identification de nouveaux engagements bancaires (crédit hypothécaire, par exemple) signés entre la date de clôture et l’arrêt des comptes. De manière plus générale, doit-on considérer les droits et engagements hors bilan comme une photo au 31 décembre 2019 ?

     

  2. Avant de répondre à la question, l’ICCI souhaiterait rappeler qu’une lettre de confort devrait être divulguée dans tous les cas. Conformément à la circulaire 2012/01 de l’Institut des réviseurs d’entreprises, « Valeur d'une lettre de confort/lettre de patronage ([1]) » : 

     

    «Une lettre de confort sera adressée à l'organe de gestion de la société dont elle assure la continuité, et non à son commissaire, étant donné que c'est l'organe de gestion qui établit les comptes annuels et confirme la continuité sous le contrôle dans un second temps du commissaire. Le cas échéant, l'organe de gestion peut, en vertu de I' article 96 du Code des sociétés, faire référence dans son rapport de gestion à la lettre de confort afin de justifier l'application des règles comptables en continuité. Il est recommandé que la lettre de confort couvre une période allant au moins jusqu'à la prochaine assemblée générale. Si nécessaire, le commissaire tiendra également compte d'éléments et de prévisions allant au-delà de la période se terminant à la prochaine assemblée générale.

     

    Dans le cas d'une lettre de confort dont I' existence n'est pas révélée par l'organe de gestion dans son rapport de gestion ou en annexe des comptes annuels, le commissaire ne peut d'aucune manière y faire référence dans un paragraphe explicatif. Le cas échéant, il émettra en outre une réserve portant sur l'omission dans l'annexe des comptes annuels ou dans le rapport de gestion d' un droit hors bilan, si la lettre de confort est engageante. »

     

  3. Afin de répondre à la question, l’ICCI se réfère à l’article 3:82, XVII, E de l’arrêté royal du 29 avril 2019 portant exécution du Code des sociétés et des associations qui énonce que :

     

    « L'annexe du schéma complet des comptes annuels comprend les renseignements et états suivants : (…)

    Les indications suivantes relatives aux droits et engagements hors bilan : (...)

    E. la nature et l'impact financier des événements significatifs postérieurs à la date de clôture du bilan qui ne sont pas pris en compte dans le compte de résultats ou le bilan;(…). »

     

  4. Dans son avis 2018/8, Evénements postérieurs à la date de clôture de l’exercice ([2]), la CNC définit la notion d’ « évènements postérieurs » comme « tout événement, favorable ou défavorable, qui intervient entre la date de clôture de l’exercice et la date d’arrêté des comptes annuels par l’organe de gestion, et qui est susceptible d’influencer le patrimoine, la situation économique ou financière et/ou le résultat de la société. »

     

    Toujours selon ce même avis, un tel évènement est « significatif » lorsque « on peut raisonnablement penser que [son] omission ou [son] inexactitude risque d'influencer les décisions que prennent les utilisateurs sur la base des comptes annuels et des comptes consolidés de l'entreprise. L'importance significative de chaque élément est évaluée dans le contexte d'autres éléments similaires. »

     

    C’est à l’organe d’administration que revient la tâche de déterminer si un évènement postérieur à la date de clôture de l’exercice est de nature à entraîner une adaptation du bilan et/ou du compte de résultats de l’exercice clôturé et le cas échéant, une mention dans l’annexe.

     

    L’ICCI est donc d’avis que la lettre de soutien doit être reprise dans les droits et engagements hors bilan si les conditions précédemment citées sont remplies.

     

  5. L’ICCI souhaiterait attirer l’attention sur le fait que qu' une lettre de confort n'a de valeur pour évaluer la continuité d'une société qu'à partir du moment où elle constitue dans le chef de son ou ses émetteurs une obligation qui revêt un caractère contraignant et exécutoire.

     

    Le commissaire doit analyser la validité de la lettre de confort, à savoir vérifier si elle revêt un caractère contraignant et exécutoire et si le signataire de la lettre est en mesure d'engager la ou les personnes qui prennent les engagements qu'elle contient. Il en fait de même pour la solvabilité du ou des émetteurs de la lettre de confort.

     

  6. En guise de conclusion, l’ICCI souhaiterait rappeler que les évènements importants postérieurs à la date de clôture de l’exercice doivent être mentionnés dans le rapport de gestion, qu’ils aient ou non une incidence sur les produits ou sur les charges et qu’ils entraînent ou non une adaptation du bilan et/ou du compte de résultats de l’exercice clôturé.