19 décembre 2024

Résumé

Une société anonyme jusqu’à l’exercice comptable 2023 était qualifiée de grande société et par conséquent devait faire contrôler ses comptes annuels par un commissaire. Le législateur belge a modifié les critères de taille et la société pourrait rentrer dans la catégorie petite société pour l’exercice comptable 2024. La personne posant la question interroge l’ICCI sur l’application de ces critères et l’éventuelle nomination d’un commissaire qui s’en suivrait.

Samenvatting
Tot het boekjaar 2023 was een naamloze vennootschap beschouwd als een grote vennootschap en moest daarom haar jaarrekening laten controleren door een commissaris. De Belgische wetgever heeft de groottecriteria gewijzigd en de vennootschap zou voor het boekjaar 2024 als kleine vennootschap kunnen worden geclassificeerd. De vraagsteller stelde het ICCI vragen over de toepassing van deze criteria en de mogelijke benoeming van een commissaris die daarop zou volgen.

 

Texte 
1. La question suivante est posée : 

Notre cabinet est commissaire d’une société anonyme soumise au contrôle révisoral pour les années 2021-2022-2023, son exercice social se clôture au 31 décembre (la société était considérée jusqu’à présent comme « grande société » pour l’exercice comptable 2023). 

La question du renouvellement se pose lors de l’Assemblée Générale 2024 approuvant les comptes annuels 2023.
La nomination/le renouvellement du commissaire n’est pas obligatoire pour les sociétés visées à l’article 1:24 (article 3:72, 2° CSA), considérées comme « petite société ». La question centrale et finale est de savoir : lors de l’Assemblée générale 2024, la société est-elle dans l’obligation de la nomination ou du renouvellement du commissaire ? 
Pour ce faire :

1. Quels chiffres des comptes annuels faut-il regarder (31.12. 2023 ou 31.12.2024) ?
2. Quels sont les critères/seuils à prendre en considération ? (les nouveaux ou les anciens)
3. L’effet différé de l’article 1:24 est-il applicable en ce qui concerne l’obligation de contrôle légal des comptes annuels ? 

En effet, la loi du 27 mars 2024 dispose qu’en ce qui concerne les sociétés, les critères de taille rehaussés « s’appliquent aux exercices commençant après le 31 décembre 2023 ».

La loi du 15 mai 2024 (article 145) a supprimé l’effet différé exceptionnellement pour 2024 en modifiant l’article 170 ; « Les règles énoncées aux articles 1:24, § 2, 1:25, § 2, et 1:26, § 2, du Code des sociétés et des associations, ne s’appliquent pas, et ce pour une seule fois, à l’établissement et à la publicité des comptes annuels que les entreprises clôturent après le 31 décembre 2023. 

Pour cette clôture, il ne sera tenu compte que des montants majorés visés aux articles 147, 148 et 149, en ce qui concerne le chiffre d'affaires annuel et le total du bilan de l'exercice en question ». 

Sur la base du projet d’avis CNC du 26 juin 2024 ; afin de considérer si la société est petite pour l’exercice 2024, il faut regarder si elle dépasse plus d’un des critères ajustés de l’article amendé 1:24 du CSA au 31 décembre 2024 (et non 2023 comme pour les ASBL). Mais, comment savoir lors de l’AG 2024 si la société atteindra les nouveaux seuils au 31.12.2024 afin de déterminer si la société est toujours dans les critères de taille pour l’éventuel renouvellement 2024-2025-2026 ? 

Faut-il comprendre que l’article 170 supprimant l’effet différé pour une seule fois n’est pas applicable pour la nomination du commissaire vu qu’il ne mentionne dans son article que « l’établissement et la publicité des comptes » ? 

Pour la nomination du commissaire, il faudrait alors regarder les chiffres au 31.12.2023 sur base des anciens critères ? Ou alors, faut-il, comme dans l’article de l’IRE « Modification des critères de taille des ASBL et fondations », regarder les chiffres au 31.12.2023 sur base des nouveaux critères pour déterminer la taille de l’exercice 2024 ? De plus, qu’en est-il au niveau fiscal ? 

Le CIR92 doit-il également tenir compte de l’article 170 modifié par la loi du 15 mai 2024 (article 145) ? 

Est-il possible que pour son exercice 2024, une société soit considérée comme petite en vertu de la loi du 15 mai 2024 (nouveaux seuils au 31.12.2024) mais « grande » pour la nomination du commissaire et pour l’ISOC ? 

2. La Commission des normes comptables, dans son avis 2024/07 du 11 septembre 2024 (1), revient sur les dispositions transitoires de la loi du 28 mars 2024 (2) (modifiée par la loi du 15 mai 2024 (3)) qui transpose la directive déléguée 2023/2775 du 17 octobre 2023 (4) modifiant les critères de taille des sociétés. 

Ces dispositions sont les suivantes : 

« Le titre 3, chapitre 13, sections 1re et 2, s'applique aux exercices commençant après le 31 décembre 2023.
Les règles énoncées aux articles 1:24, § 2, 1:25, § 2, et 1:26, § 2, du Code des sociétés et des associations, ne s'appliquent pas, et ce pour une seule fois, à l'établissement et à la publicité des comptes annuels que les entreprises clôturent après le 31 décembre 2023. Pour cette clôture, il ne sera tenu compte que des montants majorés visés aux articles 147, 148 et 149, en ce qui concerne le chiffre d'affaires annuel et le total du bilan de l'exercice en question. » (5)

Sur la base de cette disposition, la Commission des normes comptables estime que : « Pour déterminer si une société est petite ou « grande » pour un exercice qui a commencé après le 31 décembre 2023, il suffit d’appliquer les critères de taille (majorés) aux chiffres de l’exercice sur lequel portent les premiers comptes annuels à établir dont la date de clôture est située après le 31 décembre 2023. L’effet différé est ponctuellement neutralisé lors de cette clôture, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'appliquer les critères de taille aux chiffres des deux exercices précédents. » (6).

Ces dispositions transitoires ont été introduites pour éviter que le principe de l’effet différé (également appelé « principe de cohérence » (7)) porté par l’article 1:24 CSA ne prive d’effet les modifications des seuils voulues par la directive 2023/2775, et qui, selon la volonté du législateur européen, doivent être appliquées dès l’exercice comptable 2024. La suppression ponctuelle de l’effet différé n’est pas une technique neuve : elle avait déjà été appliquée par le législateur belge en 2015 lorsque ce dernier avait introduit de nouveaux critères permettant de qualifier une société de PME (8)

En effet, en vertu de ce principe, il est admis que : « le fait de dépasser ou de ne plus dépasser plus d'un des critères [...] n'a d'incidence que si cette circonstance se produit pendant deux exercices consécutifs » (9). En d’autres termes « les conséquences de ce dépassement s'appliqueront à partir de l'exercice suivant l'exercice au cours duquel, pour la deuxième fois, plus d'un des critères [a] été dépassé ou [n'est] plus dépassé » (10)
D’un point de vue pratique : « En raison de l'effet différé, une société qui répond en 2024 aux critères majorés pour être qualifiée de petite société et qui resterait une petite société selon les mêmes critères pour l'exercice comptable 2025, ne serait effectivement considérée comme une petite société qu'au cours de l'exercice comptable 2026 (c'est-à-dire l'exercice comptable suivant le deuxième exercice comptable de non-dépassement des critères) » (11).

3. Sur la base de cette interprétation de la neutralisation de l’effet différé, la réponse à la question peut être formulée comme suit : la décision de nommer un commissaire doit être prise sur la base des comptes annuels établis pour l’exercice 2024. En d’autres termes, il convient de faire une estimation bona fide quand on se base sur un exercice pas encore commencé ou pas encore terminé. Certes, cela revient à effectuer un exercice d’anticipation, mais il s’agit de transposer une méthode d’application dans la création d’une nouvelle société ou d’une association (12)

La Commission des normes comptables estime qu’aux fins de cette estimation, il convient de vérifier si la société « dépasse plus d'un des critères ajustés de l’article amendé 1:24 du CSA au 31 décembre 2024 (c.-à-d. la date de bilan de l’exercice sur lequel portent les premiers comptes annuels à établir après le 31 décembre 2023). » (13)

La Commission des normes comptables ajoute que dans les cas où l’exercice comptable coïncide avec l’année civile – soit que la société clôture son exercice au 31 décembre 2023 – il convient, pour déterminer la taille de la société, pour ce qui concerne l’exercice/année 2024, de se baser sur les nouveaux seuils tels que prévus par la loi du 28 mars 2024 (14). Pour ce qui concerne l’exercice comptable 2025, la Commission des normes comptables préconise de revenir à une approche plus classique : le dépassement de deux critères devra être constaté pendant deux exercices comptables consécutifs (15)

En pratique, il s’agit donc d’estimer sur la base d’éléments comptables tangibles et probants si la société rencontrera au moins deux des critères (listés ci-après) pour ce qui concerne l’exercice 2024 qui est encore en cours. La disposition transitoire permet de transgresser la règle classique d’évaluation du dépassement des critères sur deux exercices comptables successifs. En d’autres termes, l’effet différé de l’article 1:24 CSA est ponctuellement neutralisé (16)

 


Il convient de noter que le nombre de travailleurs en moyenne annuelle n’a pas été modifié dans les articles 1:24, 1:25, 1:26 par les lois du 28 mars 2024 et du 15 mai 2024 précitées (17)

4. Puisque la détermination de la taille de la société se fait sur la base d’une estimation de bonne foi en partant des derniers chiffres contrôlés, et que l’effet différé est ponctuellement supprimé à cet égard, il parait logique de conclure que la suppression est également applicable pour ce qui concerne le contrôle légal des comptes. En d’autres termes, l’obligation de nomination d’un commissaire pour l’exercice comptable 2024 sera appréciée à la lumière des nouveaux seuils. 

5. Néanmoins, s’il devait être constaté à la suite de la clôture des comptes de l’exercice 2024 (réalisée en 2025) que les seuils pour la nomination d’un commissaire sont atteints et ce, contrairement à l’estimation de bonne foi effectuée préalablement dans le cadre de l’assemblée générale 2024, un commissaire devra être nommé rétroactivement et sur une base contractuelle pour l’exercice 2024. À cet égard, l’ICCI se réfère à l’avis ICCI 24-008 tel que modifié par l’avis ICCI 24-044(18)

6. Au vu de ce qui précède, il faut donc faire une évaluation de bonne foi des activités de la société sur la base des derniers comptes annuels approuvés – soit ceux établis pour l’exercice comptable 2023 et/ou sur la base des prévisions budgétaires – afin de déterminer si elle peut être considérée comme une petite société en vertu des nouveaux critères. Cette limitation de l’effet différé ne vaut que ponctuellement pour l’exercice comptable 2024. En fonction de cette estimation de bonne foi, il sera possible de déterminer si la société est encore considérée comme une « grande société » et si elle est encore dans l’obligation de désigner un commissaire qui sera mandaté pour le contrôle légal des comptes. 

Cette évaluation se fait en tenant compte de l’avis de la Commission des Normes Comptables 2024/07 énonçant en ses paragraphes 11 et 12 que : « (§11) Pour déterminer si une société est petite ou « grande » pour un exercice qui a commencé après le 31 décembre 2023, il suffit d’appliquer les critères de taille (majorés) aux chiffres de l’exercice sur lequel portent les premiers comptes annuels à établir dont la date de clôture est située après le 31 décembre 2023. (§12) Afin de déterminer si une société est considérée comme petite ou grande pour un exercice allant du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024 (c.-à-d. le premier exercice commençant après le 31 décembre 2023), il convient de vérifier si elle dépasse plus d'un des critères de taille ajustés au 31 décembre 2024 (c.-à-d. la date de bilan de l’exercice sur lequel portent les premiers comptes annuels à établir après le 31 décembre 2023) ». Par conséquent, la société devra nommer, même rétroactivement, un commissaire au moment où, le cas échéant, elle constate que les conditions de la catégorie « grande société » sont remplies.



Mots clés

Clôture de l’exercice - Mandat de commissaire - Date de clôture - Données financières et comptables - Exercice précédent - Législation comptable belge

 

Sleutelwoorden
Afsluiting van het boekjaar - Commissarismandaat - Afsluitingsdatum - Financiële en boekhoudkundige gegevens - Voorgaand boekjaar - Belgische boekhoudwetgeving

 

 

(1) Commission des normes comptables, « avis 2024/07 du 11septembre 2024 – Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés », cf. Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés | CNC CBN (cnc-cbn.be).

(2) Loi du 28 mars 2024 portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses Ibis, M.B., 8 avril 2024.

(3) Loi du 15 mai 2024 portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses II, M.B., 28 mai 2024.

(4) Directive déléguée 2023/2775 du 17 octobre 2023 modifiant la directive no 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’ajustement des critères de taille pour les micro-, petites, moyennes et grandes entreprises ou pour les groupes, J.O., 21 décembre 2023.

(5) Article 170 loi du 28 mars 2024 portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses Ibis, M.B., 8 avril 2024.

(6) Commission des normes comptables, « avis 2024/07 du 11septembre 2024 – Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés », cf. Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés | CNC CBN (cnc-cbn.be).

(7) J., van Dyck, « Définition de la PME : limites relevées avec effet plus rapide », Le Fiscologue, 2024/12, p.1 à 3 ; Commission des normes comptables, « Avis 2022/03 du 19 janvier 2022 – Application des critères de taille visés aux articles 1:24 et 1:25 du Code des sociétés et des associations »

(8) Article 63 Loi du 18 décembre 2015 transposant la Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises, modifiant la Directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les Directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, M.B., 30 décembre 2015 ; J., van Dyck, ibid.

(9) M., De Munter, « Projet d’avis CNC : critères de taille majorée avec effet (encore) plus rapide », Le Fiscologue, 2024/27, p. 1 à 4.

(10) M., De Munter, ibid.

(11) M., De Munter, ibid. ; J., van Dyck, op. cit.

(12) Commission des normes comptables, « avis 2022/03 du 19 janvier 2022 – application des critères de taille visés aux articles 1:24 et 1:25 du Code des sociétés et associations », voyez en particulier le point VI « Classification dans une autre catégorie - principe dit de “cohérence” », cf. Application des critères de taille visés aux articles 1:24 et 1:25 du Code des sociétés et des associations | CNC CBN.

(13) Commission des normes comptables, « avis 2024/07 du 11septembre 2024 – Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés », cf. Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés | CNC CBN (cnc-cbn.be).

(14) Commission des normes comptables, « projet d’avis du 26 juin 2024 – Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés », cf. ED_FR_Criteres_de_taille_societes.pdf (cnc-cbn.be).

(15) M., De Munter, op. cit.

(16) Commission des normes comptables, « avis 2024/07 du 11septembre 2024 – Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés », cf. Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés | CNC CBN (cnc-cbn.be).

(17) Commission des normes comptables, « avis 2024/07 du 11septembre 2024 – Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés », cf. Impact de la hausse des critères de taille pour les sociétés | CNC CBN (cnc-cbn.be).

(18) ICCI, « avis 24-008 du 4 avril 2024 – Nomination rétroactive d’un commissaire », cf. Nomination rétroactive d’un commissaire / Retroactieve benoeming van een commissaris (24-008) ; ICCI, « avis 24-044 – Précision à propos de l’avis ICCI 24-008 concernant la nomination rétroactive du commissaire », cf. Précision à propos de l’avis ICCI 24-008 / Verduidelijking ICCI-advies 24-008 (24-044)