3 novembre 2021
« Contexte : Nous sommes commissaire d'une société coopérative en cours de liquidation depuis le 21 mai 2021 et dont la liquidation se clôturera le 19 novembre 2021.
Fondement : Le paragraphe A1 du champ d’application du « Projet [de] Norme relative à la mission du réviseur d’entreprises aux articles 5:143 et 6:116, § 1 du Code des sociétés et des associations (Test de liquidité́) », nous indique que « Dans la SRL et la SC, la notion de distribution couvre dorénavant aussi le remboursement des apports en numéraire ou en nature aux actionnaires puisque cette société ne dispose plus d’un capital. » Le second paragraphe du titre A1 nous apprend aussi que « Ces règles visent à empêcher que les distributions du patrimoine social puissent s’effectuer au détriment des parties prenantes ».
En l’occurrence, la liquidation permettra de rembourser l'ensemble des créanciers et une grande partie des apports des coopérateurs/actionnaires. Dès lors, il n’y a aucun risque de distribution excessive au détriment des parties prenantes.
Doit-on conclure que les remboursements des apports en numéraire qui se déroulent durant une liquidation sont soumis à cette disposition ?
Interrogation : Si on applique aux liquidations l'article 6:115 du CSA, "Aucune distribution ne peut être faite si l'actif net de la société est négatif ou le deviendrait à la suite d'une telle distribution." Cela empêcherait de pouvoir payer un acompte lors d'une liquidation si 100% des apports ne sont pas remboursés (vu qu'il subsistera un actif net négatif après les remboursements aux actionnaires). Cela imposerait donc de rembourser 100% des apports après l'AG de clôture de liquidation, alors même que la société n'existe plus, que les liquidateurs sont déchargés et que les banques pourraient avoir retiré les pouvoirs de signature. Quelle est la position de l’ICCI à ce sujet ?
Faits : Durant la liquidation, un « acompte aux associés sur le partage de l'actif net (-) » (classe 19*) a été payé en juillet 2021 correspondant à +/- 75% du montant des apports à rembourser. La situation comptable sur base de laquelle cet acompte a été payé aux associés est celle de l’AG de dissolution – ouverture de liquidation) pour laquelle, nous émettrons un rapport d’audit vu qu’en vertu de l’article 2:70, la dissolution entraine la clôture de l’exercice. Ce rapport sera présenté lors de l’AG du 19 novembre 2021, l’acompte aura donc été payé avant que nous n’exprimions à l’AG notre opinion sur cette situation. Le solde des apports sera remboursé début novembre 2021 soit avant l'AG de clôture de liquidation sur base des « comptes de liquidation » du 08 octobre 2021 prévus à l’article 2:100 du CSA et déposés au siège au moins un mois avant l’AG de clôture de la liquidation.
Questions : L’article 6:115 s’applique-t-il à la :
- décision de distribution d’un acompte
- décision de distribution du solde
Dans les deux cas, les rapports d’audit seront postérieurs à la décision du collège des liquidateurs de distribuer l’acompte et le solde à rembourser des apports.
L’article 6:116 s’applique-t-il dans le cadre du paiement des apports à la :
- mise en paiement de l’acompte
- mise en paiement du solde
Notons que dans les deux cas, les paiements ont été effectués sans appliquer la procédure prévue aux articles 6:115 et 6:116.
Comment l’ICCI se positionne face à ces problématiques nombreuses ?
- infractions au CSA à reprendre dans la seconde partie de notre rapport ?
- autres effets sur le rapport du commissaire (à la date de dissolution 2:70) et sur le rapport du commissaire (à la date de clôture de la liquidation 2:100)?
Il en résulte qu’un acompte ou une avance sur la répartition du boni de liquidation ne peut pas être considéré comme une « distribution de bénéfices ». Une attribution aux associés, effectuée dans le cadre d’une liquidation, est subordonnée au paiement des dettes. En d’autres termes, le liquidateur pourrait demander le remboursement de l’avance s’il apparaissait que les actifs restants de la société en liquidation sont insuffisants pour apurer ses dettes.
Le liquidateur ne doit pas pour autant attendre la fin de la liquidation ni que tous les créanciers aient été désintéressés pour opérer des répartitions, il peut payer des acomptes ([1]). Dans un tel cas, il devra s’assurer que le produit des actifs restants sera suffisant pour payer toutes les dettes de la société, à défaut de quoi il engagerait sa responsabilité à l’égard des créanciers([2]). Le liquidateur est responsable envers la société et ses créanciers d’une avance qui aurait été effectuée de façon imprudente et donc fautive (art. 2:76 CSA).
([1]) J. Malherbe, Y. De Cordt, P. Lambrecht, P. Malherbe et H. Culot, , “Droit des sociétés”, 5e édition, Bruxelles, Larcier, 2020, p. 360 ; D. Leclercq, « III - Le deroulement de la liquidation » in De Cordt, Y. et André-Dumont, A.-P. (dir.), Droit des sociétés – Millésime 2011, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 521.
([2]) D. Leclercq, « III - Le déroulement de la liquidation » in De Cordt, Y. et André-Dumont, A.-P. (dir.), Droit des sociétés – Millésime 2011, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 521 ; P. de Wolf et G. Stevens, « Commentaire de l’art. 190 C. soc. », in Commentaire systématique du Code des sociétés, Bruxelles, Kluwer, 2003, p. 23.
(3) A titre documentaire, nous mentionnons l’avis de la CNC 2010/22 « Comptabilisation d’une avance sur la répartition de l’actif net », adopté avant l’entrée en vigueur du Code des sociétés et associations, qui analyse adoptait une analyse similaire et en tirait des arguments pour le traitement comptable à réserver à l’attribution, aux associés d'une société mise en liquidation, d’une avance sur l'actif net qui leur reviendra à la clôture de la liquidation. (Avis CNC du 10 novembre 2010, cf. https://www.cnc-cbn.be/fr/avis/comptabilisation-dune-avance-sur-la-repartition-de-lactif-net.)
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