8 février 2019
La situation est la suivante : on est commissaire d’une SA de droit public qui fait l’objet d’un audit annuel de la Cour des comptes. Cette dernière demande via le client les documents du dossier d’audit suivant :
La question est de savoir si le commissaire peut répondre favorablement à cette demande alors qu’il est soumis au secret professionnel et que la demande ne lui a pas été soumise directement par la Cour des comptes.
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1. Le secret professionnel auquel le commissaire est tenu résulte de l’article 458 du Code pénal, qui stipule notamment que :
« (…) toutes autres personnes dépositaires, par état ou par professions des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice (ou devant une commission d’enquête parlementaire) et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de six jours à six mois et d’une amende de cent francs à cinq cents francs. ».
Observons qu’il n’y a pas de secret entre le réviseur d’entreprises et l’entreprise contrôlée et ses organes dans la mesure où il ne peut pas être question entre eux de secret, autrement dit d’information confidentielle.
Lorsque la Cour des comptes fait partie du collège de commissaires de l’entreprise publique, il n’y a pas non plus de secret professionnel. A cet égard, l’ICCI se réfèrera à l’article 1012 du Code des sociétés qui étend aux personnes morales de droit public constituées sous la forme de sociétés commerciales certaines dispositions du Code des sociétés. Le deuxième paragraphe de cette disposition établit que les réviseur d’entreprises forment un collège avec d’autres personnes qui n’ont pas cette qualité, ceci vise de toute évidence les membres de la Cour des comptes. Au sein d’un collège de commissaires, il n’y a pas de secret professionnel [1]. En constituant un collège, l’assemblée générale a implicitement délié les professionnels concernés de toute obligation au secret qui entrerait en conflit avec leur obligation de collaborer reconnue par l’article 144, §2 du Code des sociétés.
La question serait plus délicate lorsque la mission d’audit de la Cour des comptes est exercée indépendamment de celle du commissaire. Les exceptions au secret professionnel établies par l’article 86 de la loi du 7 décembre 2016 portant organisation de la profession et de la supervision publique des réviseurs d’entreprises ne visent pas explicitement cette hypothèse. La question du secret partagé entre plusieurs professionnel, qui plus est lorsqu’ils exercent une même fonction, est discutée et la doctrine majoritaire semble admettre que l’échange d’information confidentielle est possible dans de tels cas (voir à cet égard la publication ICCI 2009 n° 2 : B. DE KLERCK, S. VAN BELLINGHEN, E. VANDERSTAPPEN et V. YANGANDI, Le secret professionnel du réviseur d’entreprises, Bruges, la Charte, 2009, p. 11, n° 24 et note 19 ainsi que p. 57, n° 130).
Compte tenu également de l’esprit des modifications successives de la disposition légale relative au secret professionnel des réviseurs d’entreprises, il semble peu probable que la communication à la Cour des comptes des informations recueillies dans le cadre de l’exercice de la mission de contrôle, à la demande de l’entreprise publique contrôlée elle-même, et en dehors de l’hypothèse prévue par l’article 1012 du Code des sociétés, puisse être considérée comme une violation du secret professionnel.
2. Par conséquent, l’ICCI est d’avis que le commissaire peut répondre favorablement à la demande via son client de transférer à la Cour des comptes les documents demandés de son dossier d’audit.
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[1] Cf. IRE, Vademecum Tome I: Doctrine, Bruxelles, Editions Standaard, 2009, p. 428; IRE, Rapp. annuel, 2005, p. 77.
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