2 mars 2015

Serait-il possible à l’ICCI de formule une réponse claire concernant la problématique mentionnée ci-dessous ?

 

Question sur la portée du secret professionnel du réviseur d'entreprises qui intervient en tant que commissaire auprès du conseil d'administration d'une société dont, lors des réunions, un grand nombre d'administrateurs sont représentés de manière formelle ou non (ad hoc) par des avocats, des experts-comptables externes et même des consultants :

 

La distinction entre, d'une part, la représentation formelle et non formelle et, d'autre part, les professionnels soumis au secret professionnel (secret professionnel partagé), est-elle pertinente ? En outre : quid du secret professionnel du réviseur d'entreprises à l'égard du représentant permanent d'un administrateur personne morale ?


Avant de répondre à la question posée, l’ICCI tient à rappeler que le Conseil de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises a affirmé tant en 1994 [1] qu'en 2011 [2] que le fait que le commissaire assiste de manière occasionnelle au conseil d'administration de la société contrôlée ne pose pas de problème, contrairement à une présence systématique. L’ICCI peut répondre à la question de la manière suivante :

 

  1. Le droit d'un administrateur personne physique de se faire représenter

    De manière générale, il est admis que la convention qui lie l’administrateur à la société est intuitu personae, étant donné que les administrateurs sont désignés en fonction de leurs compétences intrinsèques (H. Braeckmans et R. Houben, Handboek Vennootschapsrecht, Anvers, Intersentia, 2012, p. 248). L’ICCI estime dès lors que l'administrateur doit siéger personnellement au conseil d’administration et ne peut se faire représenter par un tiers, sauf si les dispositions statutaires de la société en disposent autrement. La doctrine s'accorde à reconnaître que le pouvoir de représentation d'un administrateur (ou dirigeant) peut uniquement être délégué à un autre administrateur.
  2. L’article 61, § 2 du Code des sociétés
    L'article précité énonce que : « Lorsqu’une personne morale est nommée administrateur, gérant ou membre du comité de direction, du conseil de direction ou du conseil de surveillance, celle-ci est tenue de désigner parmi ses associés, gérants, administrateurs, membres du conseil de direction, ou travailleurs, un représentant permanent chargé de l’exécution de cette mission au nom et pour le compte de la personne morale. Ce représentant est soumis aux mêmes conditions et encourt les mêmes responsabilités civiles, pénales et disciplinaires que s’il exerçait cette mission en nom et pour compte propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la société civile qu’il représente. Celle-ci ne peut révoquer son représentant qu’en désignant simultanément son successeur. ».

    Par conséquent, seules les personnes (physiques) susvisées peuvent être mandatées pour siéger au sein du conseil d’administration en qualité de représentant permanent d’un administrateur personne morale. L’ICCI souhaite attirer l’attention sur le fait que l’administrateur personne morale ne peut désigner qu’un seul représentant permanent. Toutefois, si l’administrateur personne morale n'est pas en mesure de participer à la réunion en raison de l’absence du représentant permanent, il peut donner procuration à un autre administrateur, pour autant que les statuts de la société l’autorisent (S. Rutten, « Art. 61 W. Venn. » dans Artikelsgewijze commentaren vennootschappen en verenigingen, Anvers, Kluwer, 2005, p. 7, n° 5).
  3. Le secret professionnel « partagé » du commissaire et des membres du conseil d’administration

    L’ICCI est d’avis que la notion de secret professionnel « partagé » n’est pas envisageable entre le commissaire et les membres du conseil d’administration, étant donné qu’un tel secret implique que les administrateurs soient tenus de la même façon que le commissaire au secret professionnel (H. Culot, « Administrateur et secret : le droit de savoir et le devoir de discrétion », dans L’entreprise et le secret, Bruxelles, éd. Larcier, 2014, p. 169 : « Les règles pénales protégeant le secret professionnel ne s’appliquent pas aux administrateurs. »).

    A cet égard, il est précisé ce qui suit :
    -  l’administrateur a le droit de recevoir une réponse aux questions qu’il pose lors d’une réunion du conseil d’administration ;

    -  si le conseil d’administration pose au commissaire un ensemble de questions ou lui adresse des demandes de confirmation, ce dernier devra normalement y donner suite, pour autant que ces investigations fassent partie de sa mission.
  4. Le conseil d’administration peut-il unilatéralement décider de lever le secret professionnel du commissaire à l’égard des tiers non membres du conseil d’administration ?

    Compte tenu du caractère absolu du secret professionnel, il n'existe aucune convention qui ait le pouvoir de faire fléchir l'obligation au secret, à moins qu'un texte de loi formel et précis le prévoie (ICCI, 2009/2, Le secret professionnel du réviseur d'entreprises, Bruges, die Keure, 2009, p. 10). La loi coordonnée du 22 juillet 1953 prévoit une seule exception à l’obligation du secret professionnel du réviseur d’entreprises, moyennant accord écrit de l’entreprise auprès de laquelle il exerce ses fonctions, à savoir la communication d’attestations ou de confirmations (art. 79, § 1, a)). L’ICCI estime dès lors que le conseil d’administration n'est pas autorisé à lever unilatéralement le secret professionnel du commissaire. 
  5. Conclusion

    L’ICCI est d’avis que lorsqu’il assiste à une réunion du conseil d’administration, le commissaire doit se limiter à fournir les explications et justifications nécessaires sur l’accomplissement de sa mission et le contenu de son rapport.  Pour le reste, il est lié au secret professionnel. L’ICCI considère également que le principe de prudence requiert que le commissaire invoque son secret professionnel lorsqu'il a connaissance du fait que les représentants permanents des administrateurs personnes morales n’ont pas été désignés conformément au prescrit de l’article 61, § 2 du Code des sociétés. Dans ce cas, le commissaire doit en informer le conseil d’administration de manière formelle. L'absence de réaction de la part du conseil d’administration peut conduire à une mention dans la deuxième partie du rapport du commissaire, conformément à l’article 144, 8° du Code des sociétés. La même règle s’applique lorsque la représentation transgresse les statuts en la matière.

    L’ICCI estime toutefois que le commissaire n'est pas tenu de vérifier l’identité des personnes présentes au conseil d’administration afin de décider s’il est tenu ou non au secret professionnel, le commissaire n’étant pas responsable du bon fonctionnement de cet organe. Par conséquent, l’ICCI est d’avis que le critère de référence devant régir au cas par cas l’action du commissaire est celui du bon père de famille.

    Afin de veiller au respect de son secret professionnel, l’ICCI recommande au commissaire présent à une réunion du conseil d’administration d'exiger un droit de consultation sur le projet de procès-verbal de cette réunion.


[1] IRE, Rapport annuel 1994, p. 90.

[2] Avis 2011/8 du Conseil.

______________________________

Disclaimer : Bien que le Centre d’Information du Révisorat d’Entreprises (ICCI) s’entoure des compétences voulues et traite les questions reçues avec toute la rigueur possible, il ne donne aucune garantie quant aux réponses qu’il formule et n’assume aucune responsabilité, ni contractuelle, ni extra-contractuelle, pour l’éventuel dommage qui pourrait résulter d’erreurs de fait ou de droit commises dans le cadre des réponses et informations données. La réponse est uniquement reprise dans la langue de l’auteur de la question. Le lecteur, et en général l’utilisateur d’une réponse, reste seul responsable de l’usage qu’il en fait.