21 novembre 2019

  1. La question se pose s’il est nécessaire d’avoir une lettre de mission dans le cadre d’un marché public, car certaines sociétés refusent de la signer car elles estiment que toutes les modalités de la mission figurent dans l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation de marchés publics ainsi que dans leur Cahier spécial des charges.

     

  2. Afin de répondre à la question l’ICCI se réfère tout d’abord à l’article 21 de la loi du 7 décembre 2016 portant organisation de la profession et de la supervision publique des réviseurs d’entreprises, qui dispose la chose suivante :

     

    « Le réviseur d'entreprises et son client établissent une lettre de mission préalablement à l'exécution de toute mission.

      Outre la description de la mission, la lettre de mission précise de manière équilibrée les droits et devoirs réciproques du client et du réviseur d'entreprises. »

     

    En vertu du principe de la hiérarchie des normes, une loi prime sur un arrêté royal (en l’occurrence la loi du 7 décembre 2016 prime sur l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation de marchés publics). En principe, votre client ne peut donc pas refuser de signer la lettre de mission.

     

  3. La loi du 7 décembre 2016 ne définit cependant pas le contenu de la lettre de mission. En l’absence de définition mentionnée dans la loi, le réviseur, dans le cadre d’un audit, n’a d’autre alternative que de se référer aux normes d’audit (les normes sont des lois matérielles au sens de l’article 608 du Code judiciaire) et plus particulièrement la norme ISA 210. Par ailleurs, à titre informatif, l’IRE a organisé une consultation publique relative au projet de norme générale applicable à toute mission confiée au réviseur d’entreprises, précisant les conditions minimales de toute lettre de mission .

     

  4. La norme ISA 210 relative à l’accord sur les termes des missions d’audit ([1]) prévoit en son paragraphe 10 que « les termes convenus de la mission d'audit doivent être consignés dans une lettre de mission d'audit ou sous une autre forme ».

     

    Le paragraphe 10 de la norme requiert que les éléments suivants soient convenus :

     

    1. L’objectif et l'étendue de l'audit portant sur les états financiers  ;
    2. Les responsabilités de l'auditeur  ;
    3. Les responsabilités de la direction  ;
    4. L'identification du référentiel comptable applicable pour l'établissement des états financiers  ;
    5. Une indication de la forme et du contenu envisagés de tous rapports à émettre par l'auditeur  ; et (Voir par. A24)
    6. Une mention précisant qu'il peut exister des circonstances dans lesquelles la forme et le contenu d'un rapport peuvent être différents de ce qui était envisagé.

     

     

  5. De manière générale, dans le cadre de marchés publics, il appartient donc au réviseur d’entreprises de s’assurer que tant les dispositions de la loi du 7 décembre 2016 que les diligences de la norme ISA 210 en ce qui concerne l’accord sur les termes de l’audit, sont correctement traitées dans le Cahier spécial des charges établit par le pouvoir adjudicateur.

     

  6. Dans le cas présent, l’ICCI a effectué une lecture non exhaustive du Cahier spécial des charges qui lui a permis de constater l’absence de certains éléments clés comme par exemple la confirmation par la direction qu'elle reconnaît et comprend ses responsabilités pour l'établissement des états financiers conformément au référentiel comptable applicable, y compris, le cas échéant, leur présentation sincère ainsi que pour le contrôle interne que la direction considère comme nécessaire pour permettre l'établissement d'états financiers ne comportant pas d'anomalies significatives, que celles-ci proviennent de fraudes ou résultent d'erreurs.

     

  7. Par ailleurs, contrairement aux prescrits de la loi du 7 décembre 2016, l’ICCI ne peut que constater à la lecture du Cahier spécial des charges que seul les droits et devoirs du réviseur d’entreprises sont précisés dans celui-ci.

     

     

  8. Puisque les dispositions du cahier de charges ne répondent pas, ou pas entièrement, aux exigences exposées ci-dessus, l’ICCI est d’avis qu’une lettre de mission s’impose et on peut alors faire valoir l’argument exposé aux points 3 et 5 du présent avis.

     

  9. Dans le futur, on pourrait envisager d’intégrer les éléments essentiels de la lettre de mission directement dans l’offre en réponse à un marché public pour autant qu’ils ne sont pas déjà présents dans le Cahier spécial des charges. Sur la base de la norme ISA 210, les éléments essentiels à prendre en considération sont :

    -     l’objectif et l’étendue de la mission avec, le cas échéant, le cadre référentiel applicable. Concernant les missions légales, il s’agit d’une référence à la loi ou la réglementation applicable et, si d’application, à la norme ou recommandation en vigueur en Belgique et applicable à la mission.  Pour certaines missions contractuelles il s’agit d’une référence, le cas échéant, à la norme en vigueur en Belgique et applicable à la mission ou au référentiel international généralement admis pour l’exécution de cette mission contractuelle spécifique ;

    -     les modalités d’exécution de la mission ;

    -     les responsabilités de l’organe de gestion ou du donneur de mission ;

    -     les responsabilités du réviseur d’entreprises pour la mission ;

    -     le régime de limitation (ou non) de responsabilité du réviseur d’entreprises (voir par. A7) ;

    -     l’accès à l’information et les pouvoirs d’investigation nécessaires à l’exécution de la mission; le réviseur d’entreprises doit requérir l’information dont il estime avoir besoin et le client a une obligation contractuelle, et dans certains cas légale, de lui fournir cette information ou de prendre les mesures appropriées pour que le réviseur d’entreprises puisse l’obtenir;

    -     l’assistance de collaborateurs et le recours éventuel à des experts;

    -     la base et les modalités de rémunération et de paiement des rémunérations ;

    -     la manière dont le résultat de la mission est formalisé (obligation ou non d’émettre un rapport écrit) et la limitation éventuelle de sa diffusion ; (Voir par. A5)

    -   la qualité dans laquelle la lettre de mission est signée, à savoir réviseur d’entreprises ou commissaire.

     

    Conformément à la loi du 7 décembre 2016, il y aura lieu de s’assurer que les droits et devoirs réciproques du client et du réviseur d'entreprises sont repris de manière équilibrée. En tout état de cause, le Cahier spécial des charges serait une annexe de la lettre de mission en formant un tout indissociable.

     

  10. Enfin, l’ICCI souhaite attirer l’attention sur l’Observatoire des marchés publics, constitué sous l’égide de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises (IRE) et auquel tant les pouvoirs adjudicataires que les réviseurs d’entreprises peuvent soumettre des questions spécifiques en cas de doute quant au contenu d’un cahier des charges visant à la désignation d’un réviseur d’entreprises. Ces questions peuvent être envoyées à l’adresse e-mail suivante : obs@ibr-ire.be .

 

______________________________

Disclaimer : Bien que le Centre d’Information du Révisorat d’Entreprises (ICCI) s’entoure des compétences voulues et traite les questions reçues avec toute la rigueur possible, il ne donne aucune garantie quant aux réponses qu’il formule et n’assume aucune responsabilité, ni contractuelle, ni extra-contractuelle, pour l’éventuel dommage qui pourrait résulter d’erreurs de fait ou de droit commises dans le cadre des réponses et informations données. La réponse est uniquement reprise dans la langue de l’auteur de la question. Le lecteur, et en général l’utilisateur d’une réponse, reste seul responsable de l’usage qu’il en fait.