7 mars 2013
Le réviseur doit-il tenir compte dans l’évaluation de l’apport d’une « réduction » de la dette, comme c’est le cas d’autres créanciers qui vont abandonner une partie de leur créance ?
Une entreprise compte introduire une demande de procédure de réorganisation judiciaire. Il existe un compte-courant créditeur pour un dirigeant qui voudrait l'apporter en capital.
Il faut tout d’abord rappeler que la procédure de réorganisation judiciaire « permet d'accorder un sursis au débiteur en vue:
( articleXX.39 du Code de droit économique)
L’ICCI comprend que la question a trait à une société qui envisage obtenir un sursis en vue d’établir un plan de réorganisation et de proposer à tout ou partie de ses créanciers un abandon partiel de leurs créances.
Le sursis que le tribunal accorde ne préjuge pas de l’accord des créanciers. Il s’agit simplement de mettre momentanément le débiteur à l’abri de ses créanciers, le temps pour lui d’établir, sous la surveillance d’un juge délégué, les propositions qui seront faites à ses créanciers, ces derniers restants libres d’accepter ou non un éventuel abandon de créances.
Il résulte de ce rappel que si abandon de créance il devait y avoir, celui-ci n’interviendrait qu’une fois le plan homologué et ne serait définitif qu’une fois le plan respecté. Lorsque le plan est homologué, les abondons de dettes prévus au plan sont acquis sous la condition résolutoire de la réalisation intégrale du plan (voir aussi l’avis CNC 2011/9).
En attendant que le plan soit homologué, la société reste redevable de l’ensemble de ses dettes. Tant que la procédure n’est pas lancée, elle reste libre de proposer à tout ou partie de ses créanciers d’apporter leur créance au capital.
On s’interroge sur l’évaluation d’un tel apport éventuel. En acceptant l’apport en capital d’une créance à son encontre la société connaîtra un enrichissement égal au montant de sa créance. Il est donc parfaitement légitime qu’elle soit évaluée à sa valeur nominale, d’autant que d’éventuels abattements restent aléatoires et inconnus quant à leurs montants et quant à leurs époques. Il ne parait par ailleurs pas inutile à l’ICCI d’ajouter qu’un tel apport ne peut qu’être favorable aux autres créanciers qui voient ainsi l’endettement de la société diminuer en augmentant d’autant les moyens qui pourront être dégagés en vue de leur désintéressement. Ce point de vue est confirmé dans l’avis 2012-01 du Conseil de l’IRE [1].
En ce qui concerne la rémunération d’un tel apport l’ICCI rappelle que sa détermination appartient à l’organe de gestion de la société bénéficiaire de l’apport. A cet égard, l’ICCI renvoie notamment aux paragraphes 262 et 263 de l’Etude IRE « Apport en nature et quasi apport : cas pratique » éditée en 2006 par l’Institut des réviseurs d’entreprises et parue auprès de la Charte.
Concrètement, dans le cas qui vous occupe d’une entreprise en difficultés, il semble important pour l’ICCI qu’on rappelle clairement dans le rapport :
1. les mentions recommandées par le Conseil de l’IRE dans l’avis 2012-01 précité [2] relatives à la question de la continuité ;
2. que l’évaluation de la créance à sa valeur nominale pour les besoins de l’apport en nature ne constitue ,en aucune manière, un avis sur le nombre de titres et la valeur de ceux-ci à émettre en contrepartie de l’apport. Cette mention (« no fairness opinion ») figure déjà obligatoirement dans les rapports des réviseurs d’entreprises sur les apports en nature. Cependant, dans le cas d’une société en difficulté, cette mention devient essentielle pour informer les actionnaires et mérite dès lors d’être formulée de façon explicite, détaillée et sans aucune ambiguïté dans le corps du rapport et dans la conclusion.
[1] Cf site internet de l’IRE : https://www.ibr-ire.be/fr/actualites/news-detail/avis-2012-01
[2] Avis 2012/01, p. 2 : “En outre, le Conseil est d’avis que cette problématique est très sensible dès qu’un problème de continuité apparaît. Dans ce cas, le Conseil de l’IRE recommande au réviseur d’entreprises d’en faire mention dans son rapport. Le réviseur d’entreprises attirera aussi l’attention de l’organe d’administration sur sa responsabilité découlant de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises et de la loi du 8 août 1997 sur les faillites. [devenu Livre XX du Code de droit économique] ».
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