13 novembre 2020

Article de Steven Matheï, avocat chez De Gendt Advocaten à Louvain et membre de la Chambre des Représentants, publié dans le magazine TAA et traduit du néerlandais.



 


Introduction et historique

L’organe d’administration (nouveau nom du conseil d’administration) d’une ASBL est un organe important. C’est lui qui exerce les compétences résiduelles au sein de l’ASBL. Autrement dit, il dispose de toutes les compétences qui n’ont pas été attribuées de manière légale ou statuaire à l’assemblée générale. L’organe d'administration administre et représente l’ASBL et, à ce titre, prend des décisions importantes.

Cette configuration peut empêcher que l’organe d'administration de l’ASBL doive ou souhaite prendre une décision contraire aux intérêts d’un ou plusieurs administrateurs. Un cas de figure classique est celui d’une ASBL qui souhaite conclure un contrat de bail pour un immeuble avec un administrateur qui est propriétaire dudit immeuble. La question qui peut alors se poser est la suivante : l’administrateur concerné peut-il prendre part aux délibérations et au vote concernant cette décision au sein de l’ASBL ?

Auparavant, cette situation n’était couverte par aucun régime légal en ce qui concernait les ASBL. C’était en revanche le cas pour les sociétés.

En ce qui concerne les sociétés, une règlementation sur les conflits d’intérêts a été mise en place dès 1873. Cette règlementation a fait l’objet de plusieurs remaniements fondamentaux, surtout au cours des dernières décennies. En 1991, par exemple, elle a été étendue de manière à interdire aux administrateurs de prendre part aux délibérations et au vote concernant des affaires dans lesquelles ils avaient un intérêt personnel direct ou indirect. Cette interdiction allait très loin, c’est pourquoi la règlementation fut assouplie en 1995. Elle ne s’appliquait alors que si l’intérêt direct ou indirect de l’administrateur était de nature patrimoniale. Plus tard la même année, l’interdiction de délibération et de vote fut abolie pour les sociétés non cotées. Depuis lors, le nouveau Code des sociétés et des associations[1] a réintroduit cette interdiction de délibération et de vote.

Dans le cas des ASBL, avant l’instauration du CSA, on supposait qu’en vertu d’un « principe général », l’administrateur ayant un conflit d'intérêts ne pouvait pas participer à la délibération. Ce faisant, on suivait en réalité la règlementation applicable aux sociétés. Mais même après que cette règlementation pour les sociétés fut assouplie, disposant désormais qu'il suffisait de faire mention du conflit d’intérêts, la pratique estimait qu'il était déontologiquement recommandable de continuer d’appliquer des règles plus strictes[2]. Cependant, appliquer un « principe général » aux ASBL n’avait rien d’idéal : en l’absence de régime légal, l’application et la portée de ce principe pouvaient toujours faire l’objet de désaccords, donner lieu à plusieurs dispositions statutaires différentes et donc à des problèmes d’interprétation et des discussions (en interne), aucun des mécanismes de sanction nécessaires en cas de non-respect du principe n’était prévu, etc. C’est pourquoi, à l’occasion de l’introduction du nouveau CSA le 1er mai 2019, une disposition légale régissant les conflits d’intérêts dans les ASBL[3] a été instaurée. Ce faisant, un parallèle a été établi avec la SRL, la SA et la SC. Enfin, notons qu’aucune règlementation n’a été prévue pour les conflits d’intérêts dans les ASBL internationales (AISBL). L’association est évidemment libre d’imposer sa propre règlementation statutaire. Concernant les conflits d’intérêts dans les fondations, une règlementation similaire à celle des ASBL s’applique, avec toutefois plusieurs différences[4].

Dans la présente contribution, nous nous pencherons sur la nouvelle règlementation régissant les conflits d’intérêts dans les ASBL, dont nous aborderons les différentes conditions, l’exception et les sanctions qu’elle prévoit. Enfin, nous examinerons quelles dispositions statutaires peuvent être librement instaurées pour étendre cette règlementation.