27 mei 2024

Résumé

Risques et précautions à prendre lors de la nomination d’un commissaire dans une société en infraction avec le Code des sociétés et des associations.

 

Samenvatting

Risico's en voorzorgsmaatregelen bij de benoeming van een commissaris in een vennootschap die in overtreding is met het Wetboek van vennootschappen en verenigingen.

 

Texte

Question :

« Une société anonyme dépasse individuellement les critères de taille et a nommé un commissaire depuis plusieurs années. Cette société est la holding principale d'un groupe (nombreuses filiales) qui se trouve dans l'obligation d'établir des comptes consolidés et de les faire contrôler. Aussi, toutes les filiales ne sont actuellement pas soumises au contrôle révisoral alors qu'elles devraient l'être. La société est également en défaut de certification de l'information économique et financière présentée au CE. La société est en infraction sur ces trois points mais envisage la mise en place d'un processus de consolidation à l'horizon 2025 incluant l'audit des filiales et de ses futurs comptes consolidés. L'IEF sera certifiable une fois que tout le groupe sera audité, ce qui n'est pas le cas actuellement. Elle souhaite s'adjoindre les services d'un autre commissaire (exercice 2024-2025-2026) pour ses comptes statutaires dans un premier temps et pour ses filiales et comptes consolidés par la suite. Quels sont les risques pour un commissaire qui accepterait d'être nommé à la fonction en sachant que l'entité est en infraction ? Peut-on tenir compte du fait que les infractions seront, à priori, éteintes en cours de mandat ? Dans la mesure ou la nomination est envisageable, quelles sont les précautions à prendre ? »

  1. Avant de répondre à la question, il est important de la replacer dans son contexte. En effet, à la suite des informations complémentaires transmises, l’ICCI a compris que :

     

    -          le réviseur d’entreprises contacté est bien sollicité pour remplacer le commissaire en place auprès de la société mère ;

     

    -          le signalement des infractions a été communiqué lors d’une réunion intervenue avec les responsables de cette société. Par réflexe, il a été procédé à la consultation des données financières publiées sans qu’aucune infraction ou remarque ne soit explicitée dans le rapport du commissaire en place.

     

  2. Une première question que tout réviseur d'entreprises doit se poser, lorsqu'il est sollicité pour un mandat de commissaire au sein d'une société de cette envergure, confrontée à de pareilles difficultés, est de savoir s'il est bien en mesure d'exercer un tel mandat. En effet, l'article 13 de la loi du 7 décembre 2016 portant organisation de la profession et de la supervision publique des réviseurs d'entreprises dispose : « Avant d'accepter une mission, le réviseur d'entreprises vérifie et consigne par écrit qu'il dispose de la capacité nécessaire, des collaborations, des ressources et du temps requis pour le bon accomplissement de cette mission »

 

  1. En outre, le réviseur d'entreprises doit contacter son prédécesseur avant d’accepter le mandat, c’est-à-dire avant de s’engager définitivement[1]. Il s'agit d'une obligation légale. L'article 13, paragraphe 5, alinéa 1er de la loi susmentionnée du 7 décembre 2016 dispose à cet égard: « Tout réviseur d'entreprises appelé à succéder à un confrère a le devoir de se mettre préalablement en rapport avec lui par écrit. Le réviseur d'entreprises qui exerçait la même mission doit permettre l'accès, par son confrère, à ses documents de travail et à toutes les informations pertinentes ».

     

    La procédure de prise de contact a pour but d’éviter au successeur éventuel d’accepter une nomination sans être informé des circonstances qui ont motivé le non-renouvellement du mandat ou la démission du réviseur d’entreprises sortant. Il n’est pas exclu qu’en apprenant ces circonstances, le réviseur d’entreprises préfère décliner l’offre qui lui est faite[2].

     

    Dans ce cas particulier, il est important que le réviseur d’entreprises sollicité pour les nouvelles fonctions discute avec son confrère des infractions qu’il a constatées lors de ses propres recherches.

     

  2. Lorsque le réviseur d'entreprises décide néanmoins d'accepter le mandat de commissaire, il devra mentionner explicitement les infractions constatées dans la lettre de mission. Il doit au moins indiquer l'absence de comptes consolidés (et de contrôle) ainsi que l'absence de certification de l’information économique et financière présentée au conseil d'entreprise.

     

  3. Toutefois, cela ne suffira pas. Il devra en outre mentionner les infractions dans un courrier au conseil d’administration (management letter) afin de couvrir sa responsabilité découlant de l'article 3:71 CSA car il est peu vraisemblable que les infractions soient corrigées dans l'année (les comptes consolidés comparatifs ne seront pas disponibles et contrôlés).

     

    De plus, il est crucial que le réviseur d’entreprises obtienne de l’organe d'administration une confirmation écrite quant à son engagement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la société se conforme à toutes les dispositions du Code des sociétés et des associations à court terme. En effet, sans un tel engagement, on peut s’interroger sur la possibilité d'accepter la mission. Par ailleurs la formulation est anormalement légère lorsqu'elle évoque "l'horizon 2025". Si infraction il y a, et c'est bien le cas, la consolidation ne peut pas être différée sans mettre en cause la responsabilité des intervenants. 

     

    En conclusion, la plus grande prudence est requise avant d’accepter la mission évoquée dans la question et, le cas échéant, à documenter chaque étape de celle-ci avec rigueur.

     

     

    Mots clés :

    commissaire, nomination

     

    Sleutelwoorden :

    commissaris, benoeming


    [1] IRE Vademecum, Tome 1, 2009, 490.

    [2] B. TILLEMAN, Le statut du commissaire, Bruxelles, La Charte, 2007, p. 66.