29 september 2023

La fusion inversée est-elle possible sans la constitution d'une réserve indisponible si l’on considère qu’elle répond aux conditions de l’article 7:216 CSA ?

 

  1.    La situation suivante est décrite :

     

    « La question ci-dessous porte sur les fusions inversées.

    L’avis CNC 2021/10 sur le traitement comptable des fusions indique : « Les articles 5:148, § 2, alinéa 1er et 7:217, § 2 du CSA disposent qu'au moment où une société acquiert ses actions propres, une réserve indisponible doit être constituée dont le montant est égal à la valeur pour laquelle ces actions sont portées à l'inventaire. Cette réserve devra être maintenue dans les comptes aussi longtemps que les actions sont contenues à l’actif du bilan. »

    Dans l'exemple de fusion inversée de cet avis une réserve indisponible pour 2.000 est constituée puis annulée).

    Dans le dossier pour lequel nous sommes consultés, même après addition des fonds propres suite à la fusion, il n’y a pas assez de sommes susceptibles d’être distribuées pour constituer une réserve indisponible. Pourtant, les fonds propres globaux sont suffisants pour éliminer la valeur de la participation. C'est la première fois que nous rencontrons ce cas. Nous avons été relire l’article 7:215 et les suivants :

    Art. 7:215.§ 1er. La société ne peut acquérir ses propres actions, parts bénéficiaires ou certificats s'y rapportant, par voie d'achat ou d'échange, directement ou par personne agissant en son nom propre mais pour le compte de la société, ainsi que souscrire à des certificats postérieurement à l'émission des actions ou parts bénéficiaires, que sous les conditions suivantes: 1° l'acquisition est autorisée par une décision préalable de l'assemblée générale, prise dans le respect des conditions de quorum et de majorité requises pour la modification des statuts; 2° les sommes affectées à cette acquisition sont susceptibles d'être distribuées conformément à l'article 7:212; 3° l'opération porte sur des actions entièrement libérées ou sur des certificats s'y rapportant. 

    Art. 7:216. L'article 7:215 n'est pas applicable: 1° aux actions acquises en vue de leur destruction immédiate, en exécution d'une décision de l'assemblée générale de réduire le capital conformément à l'article 7:208; 2° aux actions, parts bénéficiaires ou certificats acquis par la société à la suite d'une transmission de patrimoine à titre universel.

    Pourrait-on considérer que la fusion inversée répond aux conditions de l’article 7:216 CSA et que la constitution de la réserve indisponible n’est pas nécessaire ? Dans le cas contraire cela signifierait-il donc que la fusion inversée n’est pas possible dans ce dossier ?

    Si la fusion inversée était tout de même possible sans la constitution d'une réserve indisponible, l'opération de destruction des actions pourrait-elle également être assimilée à un dividende exonéré de précompte mobilier en application de l'article 264, al.1, 2°, 2e tiret CIR92 à la condition qu'une déclaration de précompte néant soit effectuée et que l'acte notarié précise bien la destruction immédiate des actions ? »

     

  2. Avant de répondre à la question, l’ICCI souhaite tout d’abord opérer une distinction entre les règles applicables lors de l’achat de titres propres (art. 7:215 et 7:216 du Code des sociétés et des associations (ci-après « CSA »)) et les règles applicables en cas de détention par la société de titres propres (art. 7:217 et 7:220 CSA).

     

  3. Afin de répondre à la question, l’ICCI souhaiterait faire référence à l’article 7:216 CSA :

     

    « L'article 7:215 n'est pas applicable:

      1° aux actions acquises en vue de leur destruction immédiate, en exécution d'une décision de l'assemblée générale de réduire le capital conformément à l'article 7:208;

      2° aux actions, parts bénéficiaires ou certificats acquis par la société à la suite d'une transmission de patrimoine à titre universel;

      3° aux actions entièrement libérées ou non, parts bénéficiaires ou certificats se rapportant à des actions entièrement libérées ou non et parts bénéficiaires acquis lors d'une vente conformément aux articles 1494 et suivants du Code judiciaire en vue de recouvrer une créance de la société sur le propriétaire de ces actions, parts bénéficiaires ou certificats. »

    En l’espèce, l’article 7:215 CSA prévoit les conditions d’acquisition de titres propres par la société elle-même. L’article 7:216 CSA prévoit quant à lui une dérogation générale à toutes les conditions prévues par l’article 7:215 CSA.

    Or, l’article 7:217,§2 CSA prévoit l’obligation de constituer une réserve indisponible en cas de détention de titres propres, en ces termes :

    « § 2. Aussi longtemps que les actions, parts bénéficiaires ou certificats sont comptabilisées à l'actif du bilan de la société, d'une personne agissant en son nom mais pour le compte de la société, ou par une société filiale contrôlée directement visé à l'article 7:221, la société doit constituer une réserve indisponible, dont le montant est égal à la valeur à laquelle les actions, parts bénéficiaires ou certificats qu'elle a personnellement acquis sont portés à l'inventaire, augmenté de la valeur d'acquisition des actions, parts bénéficiaires ou certificats détenus par la personne ou la filiale mentionnée ci-avant. ». 

    Par conséquent, il n’est pas possible de faire usage de l’article 7:216 CSA pour déroger à l’article 7:217, §2 CSA.

     

  4. Sur base de ce qui précède, l’ICCI est dès lors d’avis, au vu de l’opération décrite, qu’il pourrait être fait usage de l’exception prévue à l’article 7:216, 2° CSA pour déroger aux conditions de l’article 7:215 du même Code, étant donné que les titres propres sont acquis par la société à la suite d'une transmission de patrimoine à titre universel.

     

    Néanmoins, cette dérogation ne prévoit pas d’exception à l’article 7:217, §2 CSA (l’obligation de constituer une réserve indisponible). Cette dernière obligation demeure bien d’application tant que des actions propres sont détenues par la société.

    Si par contre l’objectif est de procéder à une destruction des titres acquis, l’article 7:217 CSA ne sera pas applicable puisque les titres ne seront, dans ce cas, pas détenus par la société (les titres n’entreront jamais dans le patrimoine social).

    Par conséquent, l’ICCI est d’avis que l’opération de fusion inversée est possible en l’espèce, mais pas la détention de titres propres par la société absorbante.

     

  5. Afin d’être complets, l’ICCI souhaiterait encore faire référence à l’article 3:77, §1er  de l’arrêté royal du 29 avril 2019 portant exécution du Code des sociétés et des associations (ci-après « AR/CSA ») qui dispose :

    « § 1er. Sont annulées, lors d'une fusion par absorption, une fusion par constitution d'une nouvelle société ou une opération assimilée à une fusion par absorption comme définie aux articles 12:2, 12:3 et 12:7 du Code des sociétés et des associations :

    1°      les actions ou parts propres détenues par la société absorbée qui, en vertu des articles 12:34, § 2, 2°, 12:48, § 2, et 12:57, 2°, du Code des sociétés et des associations, ne peuvent donner lieu à attribution d'actions ou parts de la société absorbante;

    2°      à concurrence de la valeur comptable de ces actions ou parts propres, la réserve indisponible pour actions ou parts propres constituée à cet effet par la société absorbée. L'article 7:219, § 3, du Code des sociétés et des associations s'applique au cas où une réserve pour actions ou parts propres n'a pas été constituée. »

    Vu que, au terme de la question, les fonds propres globaux sont suffisants pour éliminer la valeur de la participation, il y a lieu de d’abord prendre les réserves et les bénéfices reportés en compte et en cas d'insuffisance de modifier le capital de l'ensemble fusionné pour le solde.

  6. Enfin, en ce qui concerne la dernière question, l’ICCI souhaite rappeler que d’après les conditions générales du helpdesk de l’ICCI, il sera fait suite aux questions des « réviseurs d’entreprises sur des sujets concernant leurs missions révisorales, au sens de l’article 3, 10° de la loi du 7 décembre 2016 portant organisation de la profession et de la supervision publique des réviseurs d’entreprises, sauf si des circonstances particulières ne rendent inopportune l’adoption d’un avis (contexte litigieux, questions de nature essentiellement fiscale, …) ». L’ICCI ne se prononcera par conséquent pas sur ce point.

 

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Mots-clefs : restructuration fusion, capital et actions

Sleutelwoorden : herstructurering fusie, kapitaal en aandelen

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